Les sculptures d’Anilore Banon sont debout, debout comme les corps de nos ancêtres et comme les nôtres depuis 10 millions d’années, debout comme les colonnes des temples de nos cultures depuis 10
milliers d’années, debout comme l’offrande solennelle aux Hommes et aux Dieux, debout comme la proclamation, la mise en garde, la dissuasion, debout comme la curiosité, la vigilance, la voyance,
debout comme la liberté, la responsabilité, la dignité.
L’Histoire de l’Univers est celle extraordinaire d’une matière qui se complique et s’organise ; d’inerte elle s’est ainsi faite vivante, et de vivante, pensante. Cette matière pensante,
dont nous sommes les seuls réceptacles, se caractérise à son tour par l’émergence, pour la première fois (à notre connaissance) en 15 milliards d’années, d’une conscience réfléchie et la
conscience réfléchie par la mise en place dans le monde d’un couple de caractères que l’on aurait pu penser en opposition : la liberté et la responsabilité.
Du coeur de son émotion tout à la fois instinctive et réfléchie, Anilore Banon a senti et ressenti tout cela ; l’Homme conscient en découvrant le temps, a lu le passé pour projeter son avenir ;
l’Homme conscient, en inventant la culture, a joué avec la nature et oublié sa responsabilité ; l’Homme conscient, en faisant usage de sa liberté, a laissé libre cours à ses humeurs et omis le
respect des autres, les autres d’ici, les autres d’ailleurs et les autres d’avant.
Et grâce à cette clairvoyance, cette puissante responsabilité que lui confèrent sa sensibilité et son talent, Anilore Banon a dressé avec vigueur tout autour de l’Univers ses commandements de
métal meurtri ou triomphant à la gloire de l’Humanité et du drôle de paradoxe qui la caractérise. Elle a retrouvé avec élégance tout ce que la Science avec lenteur et pesanteur avait découvert.
C’est un grand honneur pour moi d’avoir pu rendre hommage à cette cohorte d’humeurs dressées et au génie de son auteur.
Yves Coppens
Membre de l’Institut,
Professeur au Collège de France
